Les hormones dans le traitement de la sclérose en plaque

Les hormones dans le traitement de la sclérose en plaque

Il est connu depuis très longtemps que les femmes atteintes de sclérose en plaques (SP) expérimentent une diminution des symptômes de la maladie pendant leurs grossesses.

Il y a quelques années, la Dre Rhonda Voskuhl, directrice du programme de recherche sur la SP de l’UCLA (Université de Californie à Los Angeles) et ses collègues en ont découvert la cause. Ils ont trouvé que l’oestriol, un type d’œstrogène produit en grande quantité pendant la grossesse, était responsable de la suppression des symptômes. Depuis cette découverte il y a quatre ans, la Dre Voskuhl a mené une étude pilote dans laquelle on a donné de l’oestriol à 10 femmes atteintes de SP et non-enceintes et des résultats remarquables ont été observés – soit une diminution de 80% des lésions inflammatoires au niveau du cerveau, trait caractéristique de la maladie.

La sclérose en plaques est une maladie auto-immune du système nerveux central qui attaque le tissu recouvrant les fibres nerveuses. Ce tissu, que l’on appelle myéline peut se comparer au matériau isolant qui entoure un fil électrique. Lorsque la myéline est endommagée, la capacité des nerfs à transmettre des signaux entre le cerveau et les autres parties du corps est perturbée, résultant en des symptômes caractéristiques de la SP comme des problèmes d’équilibre, de mémoire, de contrôle musculaire, de perte de vision etc.

L’oestriol est une hormone qui est virtuellement indétectable dans le sang sauf lors d’une grossesse, alors qu’elle est produite en grande quantité par le placenta. On croit que son rôle est de protéger le fœtus en empêchant le système immunitaire de l’attaquer comme un corps étranger et de l’expulser. Selon la Dre Voskuhl, «La beauté de la chose avec l’oestriol est que ce n’est pas quelque chose d’inconnu : il y a plusieurs décennies que son innocuité a été prouvée» Cette hormone est largement utilisée en Europe et en Asie comme thérapie hormonale de substitution (THS) pour le soulagement des symptômes de la ménopause.

Le plus important dans cette histoire, est que l’oestriol ferait potentiellement d’une pierre deux coups, en réduisant d’une part la capacité des cellules immunitaires à attaquer le cerveau et d’un autre en protégeant le cerveau des dommages, si des cellules du système immunitaire arrivaient à l’atteindre. «C’est une approche sur deux fronts» explique la Dre Voskuhl, «une action anti-inflammatoire pour réduire les attaques, mais aussi une action neuroprotectrice pour que le cerveau subisse moins de dommages en cas d’attaque.» selon la Dre Voskuhl.

«Nous avons déjà effectué une étude pilote avec l’oestriol» a commenté la Dre Voskuhl et nous avons pu établir que l’oestriol n’a pas les effets secondaires associés aux estrogènes traditionnellement utilisés dans les thérapies hormonales de remplacement, notamment les risques de cancer hormonodépendant. «Ceci représente une avancée importante de la recherche car les médicaments anti-inflammatoires utilisés présentement réduisent les symptômes seulement du tiers et qu’ils ont relativement peu d’incidence sur la prévention d’une invalidité permanente», note la Dre Voskuhl.

Jusqu’à ce jour, il n’y a pas de remède qui permette de guérir cette maladie. Les protocoles médicaux actuels agissent sur le système immunitaire et peuvent interférer dans le cours de la maladie, traiter des symptômes spécifiques et en diminuer l’intensité, mais ils n’offrent pas la protection requise par le cerveau pour réparer les tissus ou arrêter le cours de la maladie. La perspective que les hormones sexuelles puissent diminuer l’inflammation et accroître les facteurs qui encouragent la survie des cellules nerveuses est séduisante. Et l’hypothèse que des estrogènes particuliers puissent fournir une protection du cerveau dans le cadre de la SP aussi bien que dans d’autres désordres neurodégénératifs génère beaucoup d’enthousiasme chez les chercheurs.

En ce qui concerne les hommes, la testostérone pourrait venir à la rescousse. De récentes recherches exploratoires démontrent qu’un traitement utilisant la testostérone pour les hommes atteints de SP augmente leurs habiletés cognitives. La thérapie stabilise aussi le rétrécissement du cerveau communément associé à cette maladie. Une analyse sanguine a montré que la testostérone module le système immunitaire et optimise la production de facteurs de protection du cerveau. Cela supporte l’idée – centrale dans la recherche de la Dre Voskuhl – que les hormones stéroïdes ont un double rôle, soit anti-inflammatoire et neuroprotecteur, dans leur influence sur la maladie.

Une autre hormone stéroïde qui a été étudiée dans le traitement de la SP est la progestérone. Selon le Dr Donald Stein, Ph.D., chercheur à Emory University, la progestérone est une hormone qui a évolué pour protéger le fœtus. Il explique que cette hormone, qui elle aussi peut agir directement sur le cerveau, semble protéger les neurones de différentes façons, entre autres en bloquant les agents qui peuvent détruire leur gaine de myéline, comme c’est le cas dans la SP. De pus, elle favorise la remyélinisation des nerfs en augmentant le nombre d’oligodendrocytes dans le cerveau, ce qui crée une hausse de la protéine de base constituant la myéline. De plus, la progestérone inhibe la formation des métalloprotéinases qui alimentent la plaque inflammatoire caractéristique de la sclérose en plaques. On sait que le niveau de progestérone chez une femme enceinte est jusqu’à dix fois plus élevé qu’en temps normal – il n’est donc pas surprenant que les femmes jouissent d’une rémission de la SP pendant la grossesse alors que le placenta devient une manufacture d’oestriol et de progestérone.

 

 

Sources:

 

Miller–McCune, Treating Multiple Sclerosis with hormones, Hormones and MS Research, Multiple Sclerosis Resource Center, 2008