Les médicaments pour l’ostéoporose: oui ou non ?

Les médicaments pour l’ostéoporose: oui ou non ?

Cette question figurait en gros titre dans le bulletin d’Ostéoporose Québec publié à l’automne 2001. À la lecture de ce bulletin, commandité entre autres par une compagnie pharmaceutique, il est difficile d’échapper à la conclusion que la prise de médicaments est pratiquement indispensable tant pour la prévention que le traitement de l’ostéoporose. Bien sûr, on parle d’exercice et d’alimentation, mais comme pour bien d’autres problèmes liés à la ménopause et au vieillissement, le message est: «oui, l’exercice et l’alimentation ont leur importance – mais en dernière analyse, votre seule sécurité est dans les médicaments.»

Dans ce même bulletin, Claire Burque, une bénévole d’Ostéoporose Québec, nous fait part de son expérience, très typique d’ailleurs. Parlant du premier test d’ostéodensitométrie qu’elle a passé quelques années plus tôt, elle écrit: «Quelle ne fut pas ma surprise d’apprendre que je faisais de l’ostéoporose à un stade plutôt avancé! Pis encore, de me faire dire que j’avais les os d’une personne de 80–85 ans, alors que j’en avais 48! … On m’a prescrit l’hormonothérapie, des suppléments pour m’assurer d’un apport optimal en calcium et, depuis deux ans, un médicament. Je suis suivie par un médecin spécialiste depuis plusieurs années et mon état est toujours resté stable. Voilà qui est rassurant!» Dans sa lettre, Claire mentionne qu’elle fait de l’exercice régulièrement. Je me permets ici de répondre à Claire, m’adressant en même temps à toutes les femmes du Québec qui font face à la même situation.


Ma chère Claire,

Oui, il est vrai que l’approche que vous avez décidé d’adopter est sécurisante. Après tout, quand des organismes comme Ostéoporose Québec nous présentent ce qui semble être une approche objective et scientifique, pourquoi s’inquiéter? Pourtant, plus je me penche sur cette question, moins je me sens rassurée. Par exemple, l’article de la Dre Anne St-Pierre, M.D., publié dans le même numéro du bulletin d’Ostéoporose Québec, nous donne un point de vue supposément entièrement corroboré par la science, alors que bien des médecins tout aussi compétents font entendre un son de cloche tout à fait différent.

La Dre St-Pierre explique que le calcium et autres nutriments, tout en apportant les matières premières requises pour bâtir des os solides, ne constituent pas un moyen «suffisant pour favoriser l’augmentation de la masse osseuse chez les personnes souffrant d’ostéoporose». Elle précise qu’il faut un «agent actif», soit un médicament qui deviendra le «contremaître du chantier de rénovation du squelette, puisqu’il veille à l’équilibre entre les travaux de destruction et reconstruction osseuse … ralentissant l’action des ostéoclastes, les cellules qui sont responsables de la destruction des vieilles structures osseuses, pour éviter qu’elles ne soient plus actives que les ostéoblastes, les cellules qui forment le nouvel os.» La conclusion de la Dre St-Pierre est claire: «Les médicaments ayant une indication officielle contre l’ostéoporose peuvent être considérés comme efficaces et sûrs.»

Pour ce qui est de l’apport des produits naturels, la conclusion de la Dre St-Pierre est également claire: «Pour la prévention de la perte osseuse, aucun produit naturel n’a encore démontré d’effets significatifs sur les os. Dans l’état actuel des choses, il n’est donc pas conseillé de miser sur ce type de traitement pour vaincre l’ostéoporose.»

Tous les médecins ne partagent pas cette opinion

Mais avant de paniquer et de se précipiter à la pharmacie, il faut se rendre compte que les médecins ne sont pas tous du même avis. Ainsi, un médecin du Québec vient de publier un ouvrage qui peut aider les femmes à mieux comprendre les statistiques sur l’ostéoporose et les maladies cardiovasculaires. Après tout, les statistiques qui ressortent des études sont le fondement des protocoles médicaux actuels. Je vous conseille donc de vous procurer cet ouvrage, intitulé «La ménopause, une approche intégrée», par le Dr Paul Lépine, M.D., et Danielle Ruelens, naturopathe (les Éditions Québécor). Ce livre a le très grand mérite de dédramatiser la ménopause et l’ostéoporose, de mettre les choses en perspective sur l’aide que peuvent apporter les hormones et autres médicaments. Je voudrais en profiter pour remercier le Dr Lépine d’avoir eu le courage de présenter «l’autre côté de la médaille», malgré les risques évidents que cela peut représenter pour lui.

Le Dr Lépine suggère qu’au lieu de présenter l’ostéoporose comme une maladie il serait bien plus réaliste et même scientifiquement exact de parler de l’ostéoporose comme étant un facteur de risque de fractures… parmi d’autres. S’appuyant sur des études récentes, il soutient que: «La majorité des médicaments utilisés pour traiter l’ostéoporose, y compris les hormones prescrites à la ménopause, n’ont pas fait leurs preuves de manière convaincante pour prévenir les fractures. … Moins de 5% des femmes qui en prennent obtiendraient l’effet souhaité: éviter une fracture.»

Entre temps les femmes qui consomment les médicaments pour l’ostéoporose, qu’on appelle des biphosphonates, s’exposent à des effets secondaires qui peuvent affecter leur qualité de vie. En voici une courte liste: «nausées, diarrhée, constipation, douleur aux jambes, sensation de brûlure à l’oesophage ou à l’estomac (qui peut être un indice de dommage à ces organes), irritation des narines…etc.» Pour ce qui est des hormones, on vient encore une fois de nous présenter des preuves de leur nocivité potentielle. Le 9 juillet dernier tous les médias parlaient d’une étude publiée dans le plus récent numéro du prestigieux Journal of the American Medical Association (JAMA) sur les risques et les bienfaits de l’hormonothérapie. Cette étude a constaté, comme bien d’autres l’ont fait auparavant, que l’hormonothérapie fait augmenter les risques de cancer du sein et d’accidents cérébrovasculaires à tel point qu’on ne peut plus prétendre que les bienfaits que procurent les hormones rendent les risques acceptables. L’évidence est telle qu’un édito dans JAMA avisait les médecins DE NE PLUS PRESCRIRE les combinaisons d’oestrogène et de progestatifs pour prévenir les maladies chroniques. Le Dr John Lee a prédit que la façon actuelle de prescrire des hormones pour les femmes ménopausées sera un jour considérée comme une erreur médicale. De toute évidence, cette prédiction est en train de se réaliser.

Le pour et le contre…

Chère amie, devant un diagnostic d’ostéoporose avancée je crois que la question que je me poserais est la suivante: est-ce que je devrais, à 48 ans, m’exposer à des substances chimiques qui peuvent porter atteinte à ma santé afin d’éviter une hypothétique fracture à 85 ans? «Mais,» me répondrez-vous, «vu que mon médecin m’a dit que mes os ont déjà 85 ans, n’est-ce pas là un facteur de risque inacceptable?» Sur ce point, je laisse la parole au Dr Lépine: «On prétend pouvoir vous dire, avec cet examen (ostéodensitométrie), quel est l’âge de vos os. Ce calcul mathématique à partir des données statistiques de votre résultat est inapproprié. Il est tout à fait possible, pour un même résultat, de se faire dire à cinquante ans que nos os ont soixante-dix ans sans même faire d’ostéoporose. Cette façon de donner les résultats de l’ostéodensitométrie n’est absolument pas validée scientifiquement. Elle rend inquiétant et presque catastrophique un résultat qui peut encore être dans les limites de la normale ou ne nécessiter aucun médicament. Je ne vois qu’une seule utilité à cette façon de donner les résultats: vous faire peur…» Pourtant, devant un diagnostic aussi catastrophique, notre réaction n’est-elle pas de nous tourner vers ce que la science peut nous offrir car bien souvent nous avons perdu confiance dans nos propres moyens.

Par contre, ce que nous révèlent les études sur l’efficacité des biphosphonates (Fosamax, Didrocal, Actonel, etc.) n’a rien pour nous inspirer confiance. Le Dr John R. Lee, M.D., au lieu de considérer les biphosphonates comme des «contremaîtres du chantier de rénovation du squelette» , les voit plutôt comme des agents qui interfèrent avec les processus naturels du corps. Il dit même qu’ils empoisonnent nos ostéoclastes pour les inactiver. Cette interférence crée des os d’apparence plus dense mais qui se fragiliseront éventuellement car ils seront composés de cellules mortes. Les études démontrent d’ailleurs qu’au bout de cinq ans à sept ans, l’incidence des fractures de la hanche tend à augmenter chez les femmes qui ont été traitées aux biphosphonates. Et il faut se souvenir que c’est la fracture de la hanche, et non les autres types de fractures, qui représente le plus grand risque à la vie pour les personnes âgées.

Alors, y a-t-il des femmes qui peuvent bénéficier des biphosphonates? Logiquement, ce seraient seulement les personnes très âgées qui pourraient y trouver un avantage car celui-ci est uniquement à court terme. Une personne de 85 ans qui fait de l’ostéoporose avancée peut peut-être gagner un peu de temps. Mais si vous avez 48 ans, que ferez-vous dans 5 ans lorsque les biphosphonates ne fonctionneront plus pour vous? Les médecins à qui j’ai posé cette question n’ont pas pu me répondre.Mais où se tourner? Les approches naturelles sont-elles aussi peu «prouvées» que cela? Qu’est-ce qu’on risque à les essayer? Je traiterai de ces questions dans la deuxième partie de la présente chronique (voir références ci-dessous).

Références et lectures recommandées:

La ménopause: une approche intégrée, par Paul Lépine et Danielle Ruelens. Les Éditions Québécora

Lettre médicale du Dr John R. Lee, M.D., numéro de mars 2001